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commémoration de l’esclavage en Suède Juju factory s’invite a Stockholm

Firmin Koto | | Cinéma

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Juju Factory un film africain d’envergure et d’actualité est annoncé pour être la grande vedette de la deuxième journée de la commémoration de l’esclavage en Suède. Rappelons, pour mémoire qu’en l’an 2007, l’Etat Suédois a reconnu son implication dans la traite négrière. Depuis lors, des Africains vivant en Suède ont décidé de commémorer ce fait historique par des manifestations d’envergure.

L’association Afrosvenskarnas Riksförbund, le centre contre le racisme et la délégation du droit de l’homme en Suède se sont donc donné pour mission d’organiser de façon régulière la Commémoration festive de la traite des Noirs, en terre suédoise. Après une commémoration réussie le 9 octobre dernier par la mise en œuvre d’une pléiade d’activités dont plusieurs conférences et débats sur des thèmes relatifs à l’esclavage en Suède ; l’édition prochaine s’annonce prometteuse. Au menu, entre autres activités, la projection de Juju Factory. C’est un film qui décrit à travers le Congo, l’Afrique toute entière en prise avec les maux les plus divers, des suites des traitements que lui ont infligés les occidentaux en général et les esclavagistes en particulier. Ce film clame la misère d’un Congo sur lequel la Communauté internationale a décrété un ‘‘black out’’ total, et qui ne s’est jamais retrouvé dans les grands enjeux du développement. Le réalisateur, Balufu Bakupa-Kanyinda pose, avec acuité, la question relative à ce grand sacrifice fait par le héros national congolais Patrice Lumumba, dont les retombées ne sont perceptibles nulle part. Si ce n’est que dans un film documentaire de Thomas Giefer, «Lumumba. Assassinat dans le style colonial », où le bourreau de Lumumba raconte, avec un humour outrancier, les détails de la mise à mort de Patrice Lumumba. Et pendant ce temps, le Congo n’est représenté dans le pays qui l’a spolié, que par un village illusoire (Matongué) situé symboliquement entre deux cités d’affaires de capitale belge(…)

A l’occasion un dîner offert, il y a quelques jours, à son domicile à Stockholm, Kitimbwa Sabuni, un des responsables de la structure Afrosvenskarna, a fait une projection de ce film devant un parterre d’invités dont des chercheurs, des journalistes, des enseignants.
L’histoire de ce film palpitant qu’il nous a été donné de voir présente un Patrice Lumumba qui demeure le Héros de l’indépendance du Congo. Indépendance célébrée le 30 juin 1960. Il est une figure de proue de l’histoire tourmentée du Congo. Premier ministre, il fut assassiné le 17 janvier 1961.

‘‘En 2000, je découvris le film de Thomas Giefer, « Lumumba. Assassinat dans le style colonial ». Dans ce documentaire, le bourreau raconte, souriant, les détails de la mise à mort de Patrice Lumumba. En écrivant ce film, je construisais le personnage de Kongo en pensant à certains de mes amis très tôt disparus. Ils étaient poètes, écrivains et cinéastes. Parmi eux, je cite : Tshiakatumba Matala Mukadi, qui nous a laissé un brûlant recueil de poèmes « Réveil dans un nid en flammes » (publié chez Seghers, Paris, 1969) ; William Sassine, mort à Conakry en 1996, qui reste l’un des grands écrivains africains ou le Guinéen David Achkar, brillant cinéaste panafricain. Il y a aussi Joseph Conrad, l’auteur du célèbre roman « Au coeur de ténèbres », dont l’action se passe dans le Congo léopoldien et fustige la folie colonisatrice.’’ Raconte le cinéaste, présent pour l’occasion.

Le titre de ce film, « Juju Factory », révèle est un talisman (magie, vaudou, fétiche, amulette) qui protège du maléfique. C’est un charme superstitieux qui, dit-on, possède des pouvoirs surnaturels. On le trouve en Afrique de l’Ouest en général. Les gens croient que celui qui a le « juju » est « blindé ». Personne ne peut le maudire ou l’attaquer, ni lui faire du mal. ‘‘Un jour d’avril 2002, en visitant Elmina Castel, à Cape Coast au Ghana, déclare le cinéaste, j’ai commencé à penser au concept spirituel africain du « juju », en m’interrogeant sur la part des Africains qui participèrent au commerce esclavagiste. Alors, pour faire simple, j’ai rêvé d’un combat imaginaire entre le « maléfique » et le « juju ». Et je l’ai transposé à Bruxelles. Dans ce conflit, j’ai mis face à face un écrivain et un éditeur. Tous deux Africains. La question conflictuelle se noue autour de la divergence de vision d’un même monde, entre la passion créatrice et la réalité quotidienne. « Juju Factory » est une métaphore sur la création, dans la grisaille de l’exil. Quand celui-ci est capable de fabriquer de la joie et de la folie dans le même bain.’’

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Le réalisateur de ce film a voulu travailler sur un sujet et de la matière, ainsi que des facteurs humains qu’il connaît bien. Ayant séjourné durant des années en Belgique, il essai d’explorer les rêves et les frustrations des africains, vus de Bruxelles. Et « Matonge » (prononcez : « ma-ton-gué »), petit quartier bruxellois, est de son avis le seul lieu donnant un nom africain (à l’origine, appellation d’un quartier de Kinshasa) à un coin de cité européenne. Mais Pourquoi le spectre de Patrice Lumumba erre-t-il dans le quartier Matonge ? Et pourquoi Joseph Désiré (l’éditeur) s’en va demander conseil à la statue équestre du fameux « roi Léopold II » sur son différend avec Kongo ?

Le débat est lancé, qui tirera ses conclusions, à Stockholm, en octobre prochain, pendant la journée de la commémoration de l’esclavage. Notons par ailleurs que ce film est produit en DVcam. Surtout parce que c’était propice aux conditions d’une petite production indépendante. L’équipe de tournage comptait dix personnes. Olivier Pulinckx, directeur de la photographie et le réalisateur était les seuls techniciens professionnels. L’équipe étant composée des jeunes qui, pour la plupart, découvraient pour la première fois, un tournage de film.