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La couleur de la victoire : Le réquisitoire de Stephen Hopkins contre le racisme

Sephora Damack | | Cinéma

la-couleur-de-la-victoireS’il y a film qui fait des mules en ce moment c’est bel et bien le film de  Stephen Hopkins intitulé « La couleur de la victoire ».

Sorti le jeudi 27 juillet 2016, soit une semaine avant les jeux olympiques de Rio, cette production a déjà conquis le cœur de milliers de cinéphiles par son originalité mais surtout pour le thème qu’elle traite celui du racisme.

En deux heures qui passent comme un claquement de doigts, ce biopic retrace les exploits du quadruple médaillé olympique Jesse Owens aux J.O. de Berlin de 1936. En se concentrant sur les deux années de sa vie au cours desquelles il bâti sa légende (entre 19 et 21 ans, 1934-1936), Stephen Hopkins nous propulse de façon captivante dans l’atmosphère électrique de cette époque qui rend cette victoire si exceptionnelle, sur le plan sportif et politico-social.

Au delà du fait de rendre enfin hommage à cet athlète incroyable, ce film  est donc particulièrement passionnant car il aborde les événements et leur impact sur plusieurs plans, tant au niveau humain qu’historique .Stephen Hopkins est un réalisateur qui aime toucher à tous les genres, du drame à la comédie en passant par le thriller ou le fantastique, il sait jongler entre longs-métrages et séries avec aisance (Californication, House of Lies, etc…) et c’est sans doute cela qui lui confère tant de maîtrise.

Avec « La couleur de la victoire », il réalise un film relativement classique à niveau technique et mise en scène dans la mesure où il ne propose rien d’innovant ou d’original, mais où tout est extrêmement bien pensé et exécuté, avec beaucoup de minutie. Tout est mis en œuvre de façon remarquable pour donner du rythme et de l’intensité au récit : les plans, la musique, la lumière, les décors, nous conduisent véritablement aux côtés de Jesse Owens dans tous les moments clés de cette aventure. Il parvient à maintenir une tension tout au long du film : on vibre, on tressaille, on palpite, on s’émeut, on s’inquiète, puis on s’euphorise, enfin. Par exemple, la scène où Jesse Owens entre pour la première fois dans le stade Olympique de Berlin (Olympiastadion construit pour l’occasion) tournée sur place en Allemagne, est à ce titre, particulièrement impressionnante. Mais la véritable force de cette production que nous offre Stephen Hopkins c’est de mêler intimement la dimension sportive avec le contexte historique dans lequel se sont déroulés les J.O. de 1936, à savoir sous le régime nazi d’Hitler. Les deux domaines sont traités conjointement et se valorisent mutuellement, chacun apportant du poids à l’autre. On découvre la polémique qui eut lieu au sein du Comité Olympique Américain qui hésitait à boycotter les Jeux de Berlin afin de se désolidariser clairement de la politique raciale menée par Hitler, les étranges négociations intervenues entre Joseph Goebbels et Avery Brundage (Jeremy Irons), ainsi que la pression subie par Jesse Owens de la part des représentants de la communauté noire de son pays.

L’hypocrisie américaine consistant à dénoncer les pratiques nazies tout en continuant à appliquer la ségrégation raciale n’est pas non plus épargnée. C’est donc la complexité du contexte politique qui, au delà de la performance humaine, donne tant de valeur et de symbolisme à la victoire de Jesse Owens, tant en Allemagne qu’aux Usa. Au delà de ce double aspect, ce qui crée une forte empathie envers Jesse Owens c’est aussi le fait d’aborder plusieurs facettes de sa vie personnelle en plus de dévoiler ses épatantes compétences sportives. On devine quel type d’homme il était à travers sa relation avec sa femme, la forte amitié que l’on voit se créer avec son entraîneur Larry Snyder (Jason Sudeikis) puis celle qu’il a par la suite entretenue avec son concurrent l’espoir « Aryen »  Carl Luz long.

Force est également d’admettre que la douceur qui se dégage des traits et de l’interprétation de Stephan James (déjà repéré dans Selma) ajoutent à la sympathie que l’on éprouve spontanément pour le personnage de Jesse Owens. C’est enfin de l’admiration que l’on ressent pour cet homme, pour son parcours et ses exploits, mais aussi de la compassion lorsque l’on découvre tous les conflits qu’il a dû surmonter, exposé quotidiennement au racisme dans son propre pays, même après ses victoires.

La véritable force de ce biopic est de mêler intimement la dimension sportive avec le contexte historique dans lequel se sont déroulés les J.O. de 1936, à savoir sous le régime nazi d’Hitler.  La couleur de la victoire » est ainsi un film inédit et marquant puisque la vie de Jesse Owens n’avait jamais été portée à l’écran, ce qui est assez surprenant dans la mesure où il fut le premier athlète américain à décrocher quatre médailles d’or en une seule édition et dans quelles conditions ! Un homme de couleur qui bat le champion allemand sous les yeux dépités d’Hitler et du monde entier, quelle meilleure contradiction à l’affirmation de la suprématie de la race aryenne (indo-européenne) ? Quel symbole plus ironique des Usa qu’un champion noir alors que règne encore la ségrégation ?

A défaut d’avoir mis un terme aux injustices que subissait Jesse Owens, cette victoire est un bel exemple de parcours, porteur d’espoir et de valeurs qu’il ne peut être que bénéfique de transmettre aux générations suivantes.

 

Sephora