Suivez Nous

« Où es-tu ? »

Jean-Christophe Cavallo | | Litterature

Il est pour moi une évidence (que j’ai tendance à ressasser…) qu’on ne peut négliger quand « nous n’avons pas le choix que d’avoir le choix ».
Nous sommes des acteurs et quoi que nous fassions, ou pas, même ne pas choisir est encore un acte qui a des conséquences. Que nous le voulions ou non, tant que nous sommes là nous participons au réel, et chaque acte ou non acte à sa contrepartie, sa résonance en un écho qui dépasse largement le simple voisinage ou la proximité. Et de fait, il est très facile de se voiler la face sur ce qui se passe un peu plus loin, de marcher avec des œillères.

On se lève le matin, s’fait un p’tit café, pourquoi pas un bon croissant tout chaud de la boulangerie du coin avec au passage un p’tit échange ridicule sur la météo du jour avec un voisin. Et pendant ce temps, un tout p’tit peu plus loin, un gosse meurt de faim dans les bras d’une mère qui ne pleure même plus, un autre est exploité douze heures par jour dans une mine ou dans une usine à fabriquer des t-shirts. Tout le monde le sait, tout le monde s’en fout…

Quand Stéphane Hessel a publié « Indignez-vous », quatre millions d’exemplaires ont été vendus. Tout le monde a dit « Bravo ! C’est magnifique ». Mais s’indigner en pensée est une chose, s’indigner en acte en est une autre…

Nous vivons sur une planète d’une beauté extravagante avec en contrepartie, des milliers d’autres ou la vie ne se développera certainement jamais. Une Terre tellement extravagante que pour en trouver une aussi belle il faudrait parcourir des années-lumière. De cette planète et de son évolution, nous sommes l’espèce qui a le plus de pouvoir d’action, nous pouvons même la détruire totalement en appuyant sur quelques boutons.

Mais nous pouvons aussi être là comme les reflets naturels de cette beauté et avec elle, rayonner ensemble. N’est-il pas étonnant de voir dans certains pays où les gens n’ont rien ou si peu, sur leurs visages des sourires si sincères qu’ils sont comme un cadeau ? Pourtant ils sont là sans rien, à travailler au recyclage de nos excréments que sont les vieux cargos et ordinateurs dans une pollution que nous ne voudrions pas chez nous, à pêcher des poissons dans des lacs bourrés de métaux lourds et de produits chimiques qui leur assurent un cancer avant quarante ans. Faut-il vraiment qu’il en soit ainsi pour qu’un crétin passe de l’iPhone 4 à l’iPhone 5 ?

Devrai-je l’oublier quand je tape ces mots sur mon clavier ?

Où es-tu ma beauté ? Dans le verni rutilant de ma voiture ? Où es-tu ma beauté ? Cachée dans un lieu qu’aucun GPS ne trouvera jamais ? Où es-tu ma beauté ? N’est-ce pas toi que j’aperçois là-bas, enfouie sous une tonne de lâchetés ? Où es-tu ma beauté ?

 

Jean-Christophe Cavallo